Sarah Michel

Elle ne m’a rien dit de sa douleur

1731, une jeune femme amérindienne est capturée aux environs d’un village français, après une dizaine d’années passées à vivre dans les bois. Elles étaient deux en réalité, mais la deuxième, elle, ne sortira jamais de l’ombre de la forêt. Baptisée Marie-Angélique Leblanc, cette femme sauvage* devient une curiosité pour les puissants et les savants de l’époque. Ils l’apprivoisent, l’enferment, l’éduquent, la saignent… Ils la questionnent, étudient ses gestes, se la racontent à travers l’Europe.

Ici, on tentera de traverser ce qui s’est dit d’elle en lui redonnant la parole et la puissance d’agir. En lui rendant sa compagne aussi, en rendant à la compagne sa place. Il s’agit pour moi de transmettre cette histoire, avec ses enjeux, sa violence, mais de le faire dans une perspective de réparation, s’éloignant du format de la reconstitution pour chercher plutôt une forme de récit rituel. Le dispositif mêle les ressorts de la performance avec ceux du cinéma pour donner à deux interprètes la possibilité de mettre à l’épreuve un récit de domination, dans un corps à corps où la caméra est partie prenante.

 

* Sauvage : S’oppose à civilisé. Etymologiquement, celui qui habite la forêt (sylvia en grec).

En droit français, l’animal sauvage est celui qui n’a pas de maître, qui n’appartient à personne (res nullius) et vit à l’état de liberté naturelle. Les espèces sauvages sont celles qui n’ont pas subi de modifications de la part de l’homme.

Le sauvage est d’abord le fantasme de l’absolument autre, de la transgression. Les hommes du Moyen Âge, lors de leurs fêtes, se déguisaient volontiers en « sauvages », ce qui pour eux ne représentait rien de précis ni de localisé, pas plus par exemple que pour nous Tarzan. Le sauvage est représenté comme une demi-bête, car il participe davantage de la nature que de l’humanité.

(source : wikipédia)