
Elles disent qu’elles (…)
Prise sur le vif
Je repense au vertige ressenti lorsque l’on se découvre filmé ou photographié. Le sentiment de paralysie, et l’agression éprouvée par le pointage de l’appareil. Je me rappelle du sang qui monte aux joues, des mouvements devenus tout à coup maladroits, du corps qui se fige sans raison et de la respiration suspendue jusqu’au clic.
Je repense à cette tension entre l’envie d’apparaitre dans le cadre, et celle, tout aussi irrépressible, d’en sortir.
À la fois dépossédée d’un pouvoir, tributaire de l’oeil de quelqu’un d’autre, et parallèlement appeuré de ne pas pour pouvoir dire : moi aussi, j’étais là.
Ce vertige n’est pas anodin et me semble assez universel, variant d’intensité en fonction des expériences. Alors je suppose qu’il peut être exploré et trouve son origine quelque part entre les corps filmant, les corps filmés et les dispositifs techniques impliqués dans le processus de captation.
Ces tensions font état d’une tentative de cohabitation fragile, performée par un ensemble de données, de savoirs, induits ou exprimés qui circulent entre les corps et font eux-même circuler le pouvoir.
C’est en cela que l’espace filmique est un territoire.

Le laboratoire des présences, extrait

Je me demande alors ce qu’il advient de nos fictions si l’on aborde l’espace filmique non plus comme un territoire hiérarchisant et appropriatif mais comme un espace socialisant en devenir.
« COLINE est debout au milieu du stade, regard face caméra.
MATHILDE traverse le champs verticalement.
COLINE tourne la tête pour la regarder, elle n’est déjà plus là. »

